Un geste courant, mais douloureux…
Les enfants n’aiment pas les piqûres, la majorité d’entre eux les détestent, les craignent, mais tout enfant aura un jour ou l’autre à affronter la piqûre.
- Le calendrier vaccinal proposé pour une prévention efficace de certaines maladies comprend pas moins d’une dizaine d’injections jusqu’à l’adolescence ! De plus certains vaccins sont plus douloureux que d’autres. C’est donc un acte courant, et pour cela les soignants peuvent avoir tendance à le banaliser ou le considérer comme anodin. Mais le vaccin est souvent, dans la vie d’un enfant, la première douleur infligée par un adulte.
Enfin, on sait maintenant que les bébés ressentent la douleur, peut être même plus qu’un adulte ou un grand enfant. En effet, ils possèdent déjà toutes les connections nerveuses pour ressentir la douleur, mais du fait de l’immaturité de leur système nerveux, pas encore les moyens de s’en défendre…
- Contrairement à ce qui a été longtemps cru, il existe bien une mémoire de la douleur même chez les bébés. La peur des enfants pour la vaccination n’est pas seulement liée à l’intensité de la douleur, mais au fait qu’il n’a pas de connaissances précises du geste, qu’il ne peut pas comprendre « qu’on lui fasse du mal pour lui faire du bien », qu’il se sent contraint et impuissant…
- Pour l’enfant, l’intrusion de la piqûre dans une partie de son corps est bien sûr physique mais aussi psychique. En effet, les dessins d’enfants montrent souvent, une seringue géante, démesurée. La méconnaissance de ces données peut être à la source de nombreux problèmes, elle entretient une vision essentiellement technique, pas assez centrée sur la dimension humaine et peut engendrer tant chez le bébé, l’enfant que ses parents des souffrances inutiles très souvent mises en « mémoire » et la mémoire de la douleur entretient la peur du soin.
- La prise de conscience de cette situation, peut inversement, encourager les professionnels à considérer qu’il est possible d’agir et à améliorer les pratiques.
Peur et douleur sont intimement liées et des solutions complémentaires existent, pour avoir la satisfaction de travailler dans de meilleures conditions tout en répondant aux attentes et besoins des parents et de leur enfant.
Diminuer la peur du vaccin
Les réactions des enfants sont variables face au vaccin, mais il faut tous les aider. Les enfants ont besoin avant tout de comprendre et d’être écouté.
Il est toujours possible de réconforter un enfant qui souffre ou qui a peur avec des mots simples, « c’est pour éviter d’attraper des maladies, mais je comprends tout à fait que tu n’aimes pas ça » en évitant de minimiser, de tromper « mais ça fait pas mal» ou d’émettre des jugements de valeurs qui déprécient l’enfant « quel douillet », « quel bébé ! ».
Proposer un cadre accueillant
Le fait que les locaux soient accueillant, décorés (salle d’attente, couloirs, salle de prises des constantes, bureau de consultation…) et adaptés à l’univers des bébés et des jeunes enfants (jeux, coin pour les changes…) sont déjà des moyens efficaces de rassurer l’enfant et ses parents. Vous trouverez dans notre carnet d'adresses, une liste de fournisseurs qui pourrait aider les équipes à décorer les locaux...
Évaluer l'anxiété de l'enfant et de ses parents
Elle est utile pour ajuster la prise en charge, prendre du temps pour rassurer l’enfant, l’apprivoiser, le mettre en confiance en fonction de son âge, de son caractère, d’éventuels soins ultérieurs ou vaccins qui se sont mal passés.
Préparer et informer
Il faut éviter le mensonge même s’il parait rassurant (aux adultes !). On peut, avant le soin, expliquer pourquoi il faut faire le vaccin et décrire concrètement toutes les étapes du geste et ce que l’enfant va ressentir (froid, douleur, picotements…), tout ce qui est prévu pour éviter ou atténuer la douleur.
L’important est de le faire avec des mots simples et par exemple, en s’aidant de support illustrés (fiche "Les vaccins" + poster "Les vaccins" + guide "J'aime pas les piqures"), en mimant le geste sur une poupée, en consultant la rubrique Les piqûres de notre site internet.
Solliciter l'aide des parents
La présence des parents est souhaitable bien sûr mais sans les « forcer », ils sont eux-mêmes parfois mal à l’aise, anxieux peut-être, du fait d’expériences antérieures difficiles. Les parents connaissent leur enfant mieux que quiconque, mais ils ne savent pas tous spontanément, comment aider leur enfant, ce qu’ils peuvent faire ou pas. C’est aux professionnels de les informer et de leur expliquer précisément ce qu’ils attendent d’eux.
- Ce qu’ils peuvent faire : aider à informer l’enfant, l’habiller de façon pratique pour être facilement déshabillé, s’assurer qu’il est confortable en arrivant (nourrit, qu’il n'a ni chaud ni froid, qu’il est changé ou est allé aux toilettes), être présents s’ils le souhaitent, prévenir d’éventuels antécédents difficiles, s’asseoir à côté de lui, le garder sur leur genoux ou dans les bras, lui tenir la main, le caresser, le masser, le distraire, l’encourager, le féliciter et le réconforter après le vaccin.
Le dossier de conseils pour les parents "Comment aider mon bébé lors des soins ou des examens" peut vous aider à les informer sur ce sujet.
- Ce qu’ils doivent éviter de faire : mentir à leur enfant, participer à la contention si l’enfant est agité, le plaindre pendant le soin « mon pauvre petit » car c’est prédictif de pleurs.
Il est aussi parfois utile de prévenir les parents que l’agitation ou les pleurs de leur enfant ne signifie pas obligatoirement une douleur intense, mais l’expression d’une émotion ou d’un désaccord et que c’est normal et compréhensible qu’il l’exprime (éventuellement souhaitable sous réserve que les moyens antalgiques adaptés soient bien utilisés). L’enfant ne sera pas obligatoirement « marqué » pour les soins futurs.
Atténuer le sentiment d'impuissance
Dans la mesure du possible donner à l’enfant le choix sur certains points. Aussi dérisoire que cela puisse paraître, cette petite marge de manœuvre lui donne l’impression qu’il a son mot à dire, qu’il est acteur, par exemple : être couché ou assis, être dans les bras ou sur les genoux de son parent, choisir le moyen de distraction (le jeu, la chanson, la musique...), mettre un pansement ou non, choisir la couleur ou le motif du pansement… Même si, bien sûr, la décision appartient au professionnel, observer quand l’enfant se «sent prêt» peut également limiter ce sentiment d’impuissance.
Distraire
Détourner l’attention de l’enfant est un moyen efficace de diminuer la perception douloureuse. Et l’aide des parents est précieuse. Tous les sens peuvent être sollicités (vision, audition, toucher, odorat, goût...). Les moyens de distraction sont très nombreux et variés, par exemple : raconter une histoire, chanter une chanson, une berceuse, écouter de la musique, regarder des images, regarder ou manipuler des objets ludiques (mobile, bâton de pluie, marionnette à doigt…), faire un massage, faire des bulles de savon, sucer une tétine, sentir son doudou…
Diminuer la sensation douloureuse du vaccin
En plus de tous les moyens non pharmacologiques évoqués précédemment, ils existent d’autres solutions complémentaires pour éviter ou diminuer la douleur.
Solutions sucrées et allaitement
Il s’agit de déposer 1 à 2 ml d’une solution sucrée concentrée sur la langue du bébé, puis de lui faire sucer une tétine. L’effet anti-douleur est efficace au bout de 2 minutes et dure quelques minutes, il est possible d’en redonner si nécessaire. Le même effet est observé lorsque l’enfant est allaité. On fait le vaccin pendant que le bébé est au sein, 2 minutes après le début de la tétée. Cette méthode est très efficace car le bébé est également rassuré dans les bras de sa maman. Dans la mesure où les vaccins sont rares en proportion du nombre de tétées, il n’y pas de risque d’association négative pour l’enfant. L'efficacité de cette méthode est prouvée jusqu’à 4 mois.
> Voir les recommandations de l'AFSSAPS, septembre 2009
Crème anesthésiante
Elle peut être utilisée dès la naissance et elle se présente sous deux formes :
- Un patch (la quantité de crème est pré-dosée) qui se pose comme un pansement ordinaire.
- Une crème à appliquer en couche épaisse et à recouvrir avec un pansement occlusif fourni. Pour éviter la douleur causée par le retrait du pansement, on peut aussi utiliser du film alimentaire. Dans ce cas pour empêcher la crème de s’étaler, on pose autour une rondelle découpée dans une tétine.
Important ! La crème doit être posée au minimum 1 heure avant l’injection (anesthésie de 3 mm de profondeur) et jusqu’à 2 heures (anesthésie de 5 mm de profondeur).
> Voir le protocole d'utilisation de PEDIADOL de la crème EMLA
La crème ou le patch peut être posé par les parents, sous réserve, lors de la précédente consultation, de leur avoir montré le ou les endroits où il faut la poser.
L’utilisation de la crème anesthésiante n’est pas adaptée à toutes les vaccinations car elle soulage uniquement la douleur provoquée par la piqûre, l’effraction cutanée peu profonde et pas celle provoquée par l’injection. Et de plus certains vaccins sont plus douloureux que d’autres. Cette situation rend complexe l’information des parents sur l’efficacité de la crème anesthésiante. En effet, à défaut de leur avoir exposé ces limites, ils pourraient en conclure que la crème anesthésiante n’est pas efficace, et donc inutile dans d’autres situations comme la prise de sang, alors que dans ce cadre l’efficacité est garantie.
Après le vaccin
Il est utile d’évaluer la douleur du vaccin pour pouvoir apprécier l’efficacité des moyens antalgiques proposés et les modifier si nécessaire. Dès l’âge de 4, 5 ans, un enfant est en mesure de dire « combien il a mal ». On parle alors « d'auto-évaluation »
Voici les principales échelles qu’il est possible d’utiliser :
- L’Echelle Verbale Simple (EVS) : il a mal « pas du tout, un peu, moyen, beaucoup », dès 4 ans
- La réglette des visages : dès 4 ans
- L’Echelle Visuelle Analogique (EVA) : dès 6 ans
L’enfant peut avoir mal pendant quelques jours à l’endroit où a été fait le vaccin. Pour atténuer cette sensation, on peut masser la peau tout de suite après l’injection et prescrire du paracétamol.
Il est également souhaitable de réconforter l’enfant devant ses parents, de le consoler et de le féliciter. Éventuellement de lui donner un « Certificat de bravoure » pour le récompenser et le féliciter d’avoir supporté ce geste, même s’il n’a pas été particulièrement compliant ou a pleuré.
Un travail d’équipe en PMI
Au sein d’une équipe, le consensus n’existe pas toujours autour de la nécessité et de la façon de prendre en charge la douleur provoquée par les soins. Pourtant, l’enjeu est important pour donner une image crédible et rassurante aux parents et aux enfants qui viennent à la PMI.
Réflexion d'équipe
Il peut être utile de réfléchir ensemble, tous professionnels confondus (auxiliaire de puériculture, infirmière, puéricultrice, médecin, psychologue…) aux moyens déjà mis en place pour éviter ou soulager la douleur, faire le point sur leur efficacité, évaluer la satisfaction et les attentes de chacun dans ce domaine.
Par exemple :
- Comment le temps d’attente est-il mis à profit pour informer, rassurer l’enfant et ses parents ?
- Quels sont les moyens prévus pour informer les familles ? Distraire les enfants pendant les soins ?
- Quelle est la politique adoptée concernant l’utilisation de la crème anesthésiante : est-elle prescrite de façon systématique ? Selon l’âge de l’enfant ? Le type de vaccin ?...
- Est-il parfois nécessaire de contenir de force les enfants pour réaliser les vaccins ? Sachant que l’immobilisation forcée peut augmenter la détresse, et que si elle est nécessaire elle doit être pensée avec la plus grande douceur et en évitant d’impliquer les parents.
- La douleur est-elle évaluée après le vaccin avec des échelles adaptées ? Le score est-il noté dans le dossier de l’enfant pour réajuster la prise en charge (analgésie, distraction, rôle des parents...) lors du précédent vaccin ?
- Le nombre de vaccin est-il limité à 1 ou 2 lors d’une même visite ? En fonction de la réaction de l’enfant ?
- La possibilité de faire le vaccin pendant que le bébé tète, est-elle proposée systématiquement aux mamans qui allaitent ?
- Les parents se plaignent-il de différences de prise en charge de la douleur selon les professionnels (médecins, puéricultrices… ?)
Certes, ce type de réflexion prend du temps, implique une qualité d’écoute, et la possibilité pour chaque corps de métier de s’exprimer. Mais comme en milieu hospitalier, ces réunions peuvent aboutir à la réalisation d’un « protocole » qui garantira une certaine qualité et cohérence dans la prise en charge des familles.
> Voir par exemple le protocole de Pédiadol
Pour approfondir la réflexion
La formation continue est essentielle dans la pratique des équipes soignantes pour se former aux nouvelles techniques, se remettre en question, travailler sur ses propres attitudes ou résistances, désamorcer d’éventuelles situations conflictuelles.
L’association SPARADRAP propose une formation directement centrée sur la prise charge de la douleur, d’autres complémentaires abordent la question de l’information par le jeu, la distraction lors des soins…
> Voir les formations continues SPARADRAP
Auteurs
Élisabeth Gravier, puéricultrice et formatrice retraitée, membre du CA de SPARADRAP, et Françoise Galland directrice et cofondatrice de l'Association.
Toutes les illustrations sont extraites du guide pour les parents « Soins et examens douloureux comment aider votre bébé ? » Certaines citations sont tirés du guide professionnel « Les enfants n’aiment pas les piqûres ! Livret destiné à celles et ceux qui les font »
Avis
Vous souhaitez réagir sur ces textes, proposer des ajouts, des modifications, nuancer certains propos… N’hésitez pas à contacter les auteurs par mail ! Vos remarques sont les bienvenues et elles seront précieuses pour améliorer ou actualiser ces conseils et ainsi, vous aider au mieux.
Les centres de Protection Maternelle et Infantile (PMI) ont pour principale mission l’organisation d’actions de prévention médico-sociale en faveur des femmes enceintes et des enfants de moins de 6 ans. C’est aussi un lieu où est pratiqué de façon courante un des gestes le plus craint des enfants et de certains parents : le vaccin. Des solutions existent pour limiter la peur et la douleur de ce geste.
Mise à jour : octobre 2022