Pourquoi informer l’enfant et ses proches ?
Pour respecter les besoins de l’enfant
Alors que des avancées considérables ont été faites dans la prise en charge des enfants soignés ou hospitalisés, un enfant n’est pas toujours assuré d’être informé de manière adaptée avant un soin douloureux ou impressionnant ou avant une hospitalisation, d’être soulagé de façon optimale s’il a mal, d’avoir un proche à ses côtés.
Il est démontré que ce non-respect des besoins des enfants peut être à l’origine d’inquiétudes, de pertes de confiance envers le milieu médical, de phobies… qui peuvent perdurer jusqu’à l’âge adulte. Il peut aussi entrainer la mauvaise observance de traitements, l’obligation de refaire des examens, le décalage d’une intervention… A l’inverse, de nombreuses études prouvent qu’une information adaptée (associée à la présence des parents lorsqu’elle est possible et à une bonne prise en charge de la douleur) contribue largement à faciliter la prise en charge de l’enfant et à réduire ces éventuels troubles ultérieurs.
Circulaire n° 83-24 du 1er août 1983 relative à l’hospitalisation des enfants. Article 6 : … tout acte pratiqué pour la première fois, surtout s’il peut provoquer douleur ou crainte chez l’enfant, doit lui être expliqué à l’avance en fonction de ses possibilités de compréhension…”
Pour permettre à l’enfant d’être acteur du soin
Informer un enfant c’est lui permettre d’anticiper et de comprendre ce qui va se passer. Sans informations, aucun dialogue ne pourra se créer et l’enfant subira les soins au lieu d’en devenir un des acteurs.
Ne me surprenez pas. Dites-moi ce que vous allez faire avant de le faire. Ça m’a beaucoup gênée quand les médecins sont entrés dans ma chambre, m’ont réveillée et puis ont commencé à me faire des choses. J’ai détesté ça. S’il vous plaît, expliquez-moi ce que vous allez faire bien avant de me toucher. S’il me faut une piqûre, n’attendez pas le dernier moment pour me le dire. Témoignage d’Olivia, une jeune américaine, soignée pendant 2 mois et demi à l’hôpital
Pour éviter les non-dits et contrer les fausses informations
Le défaut d’information contribue à nourrir chez l’enfant des croyances (qui peuvent être pires que la réalité) ou à renforcer des fantasmes de culpabilité (“c’est de ma faute, c’est pour me punir”).
De plus, si ce travail d’information n’est pas fait, les enfants ou les parents iront de toute façon se renseigner ailleurs, et en particulier sur Internet, avec tous les risques d’erreurs ou de mauvaises interprétations. L’entourage, les camarades d’école, les médias peuvent également, volontairement ou involontairement, transmettre des notions fausses.
Transmettre des informations validées et compréhensibles permet d’éviter ces écueils.
Pour considérer les parents comme des partenaires
La confiance mutuelle entre l’enfant et les soignants ne peut pas s’établir si les parents demeurent angoissés et méfiants. En effet, l’anxiété parentale se communique à l’enfant et cela d’autant plus que celui-ci est très jeune. Des parents suffisamment informés sont davantage en mesure d’anticiper, d’accompagner et de rassurer leur enfant. Ils peuvent ainsi continuer à jouer leur rôle protecteur. De plus, aider leur enfant leur permet de surmonter leurs propres inquiétudes et de rester les indispensables porte-parole de l’enfant auprès du corps médical.
Circulaire n° 83-24 du 1er août 1983 relative à l’hospitalisation des enfants. “… En dehors des admissions en urgence, l’hospitalisation devra être préparée de façon à réduire l’anxiété de l’enfant et de sa famille. Cela implique qu’un membre de l’équipe médicale et soignante explique à l’avance à l’enfant et à ses parents : la raison de l’hospitalisation, sa durée très approximative, la nature des examens ou des soins.
Pour faciliter le travail des professionnels
Le non-respect des besoins des enfants en termes d’information provoque l’insatisfaction et parfois l’épuisement des professionnels de santé désireux de mieux accompagner les familles.
En revanche, une information précise et de qualité donne une image rassurante et cohérente de l’équipe soignante et facilite ainsi la naissance du sentiment de confiance chez l’enfant et les parents. Cette relation instaurée, le travail des professionnels est significativement simplifié.
Pour développer l’autonomie de l’enfant
Une information adéquate peut permettre d’obtenir l’adhésion de l’enfant (lors d’une consultation, d’un soin, d’une anesthésie…) mais aussi de lui communiquer les savoirs nécessaires pour bien gérer sa maladie, de la façon la plus autonome possible. Cette éducation est essentielle pour le traitement de maladies chroniques comme le diabète, l’asthme ou la migraine.
Pour respecter une obligation légale
À la suite de la parution de différents textes législatifs ou réglementaires, et dans le cadre des mesures pour la certification, l’information du patient est dorénavant obligatoire. Comme toute personne, l’enfant a le droit d’être informé de ce qui le concerne. Mais proclamer un droit ne suffit pas, encore faut-il créer les conditions concrètes qui permettent son exercice. Les personnes qui s’occupent des enfants ont la responsabilité d’élaborer les outils nécessaires pour se mettre à leur portée, en fonction de leur âge et de leur développement.
Manuel de certification des établissements de santé et guide de cotation [20] Partie 2/Chapitre 3/A19 : “Le patient reçoit une information claire, compréhensible et adaptée sur les conditions de son séjour.” “Les professionnels délivrent une information adaptée aux capacités et facultés de compréhension du patient.” Charte de l’enfant hospitalisé Article 4 : Les enfants ont le droit de recevoir une information sur la maladie et les soins, adaptée à leur âge et leur compréhension, afin de participer aux décisions les concernant.”
Pour mettre en place un cercle vertueux où tout le monde est gagnant
Bien informer les familles prend du temps, demande de l’énergie et implique une réflexion sur les pratiques. Mais cela aide l’enfant et ses proches à anticiper les difficultés ou les problèmes qu’il vont rencontrer et à repérer les solutions proposées pour maîtriser au mieux la situation.
De plus, tous les échanges qui ont lieu pendant le temps de réflexion invite chacun à réfléchir sur ses pratiques, à les évaluer, à les comparer à celles du service d’à côté ou à d’autres établissements, à se confronter aux remarques des enfants, des familles… ce qui aide à mieux repérer les besoins. Ce travail renforce la cohésion d’équipe, permet d’éviter l’arbitraire et transmet une image rassurante et cohérente aux familles… Et à la fin du compte tout le monde est gagnant.
S’investir pour mieux informer les familles peut permettre la mise en place d’un véritable cercle vertueux : l’information apporte la confiance qui permet le dialogue et entraîne la satisfaction (des familles et des professionnels) et enfin la reconnaissance.
Comment informer ?
L’oral et la communication non verbale
La parole est le moyen d’informer par excellence, elle est conviviale et permet d’ajuster au mieux et tout de suite l’information donnée. Dire bonjour, donner son nom, sa fonction et expliquer ce que l’on va faire ou la raison de sa visite, telles sont les toutes premières informations à fournir. Le premier contact est primordial et déterminant pour la suite.
Mais il est aussi possible, par son attitude, de suggérer à son interlocuteur que l’on est disponible, que l’on est là pour lui. Cela ne prend pas nécessairement plus de temps : frapper à la porte de la chambre, s’asseoir au pied du lit ou sur une banquette pour discuter, regarder l’interlocuteur, se baisser et parler plus doucement pour s’adresser à un enfant, s’asseoir à un bureau, plutôt que de parler en marchant dans le couloir…
Laisser les enfants et les parents parler, susciter les questions, amener à reformuler l’information (sans avoir l’air d’interroger) ou la reformuler soi-même, est un bon moyen de vérifier au cours de l’entretien ce qui a été compris. Privilégier les messages employant le “je” qui marque l’investissement personnel du soignant. Ainsi, par exemple, il vaut mieux dire : “Je perçois votre inquiétude concernant cette anesthésie. Voulez-vous que nous en parlions ?” plutôt que se contenter d’affirmer : “Mais cette méthode d’anesthésie est très sûre !”
Les supports d’informations
Documents écrits, poster, panneaux muraux, video, jeux et figurines à manipuler… les moyens, techniques ou supports pour informer sont nombreux et cette variété est fort utile. Certains enfants seront plus sensibles à la parole qu’aux documents écrits, d’autres seront séduits par la vidéo ou les représentations en volume, d’autres encore découvrent en manipulant. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à être “redondant”, à donner la même information sur des supports différents.
> Voir le dossier : En pratique, comment informer ?
Qui informer et quand ?
L’information doit se faire en fonction du développement psychologique de l’enfant, de son âge, de sa pathologie, de son milieu familial et de ses antécédents médicaux. Les parents sont indispensables pour aider les équipes soignantes à faire ce travail.
Informer les enfants
- Les bébés, même s’ils ne comprennent pas le sens des mots, perçoivent l’intention bienveillante de l’adulte qui s’adresse à eux.
- Il est toujours préférable de s’adresser directement à l’enfant, même lorsqu’il est très jeune. Il ne s’agit pas de parler uniquement et exclusivement avec lui, ce qui exclurait les parents, mais de veiller à solliciter son avis dès que cela est possible. Il est utile de savoir ce que l’enfant sait déjà ou croit savoir en se fondant sur ses expériences. En fonction de ses réponses, les explications seront plus ou moins longues et précises.
- À l’adolescence, il sera parfois nécessaire de proposer un temps de dialogue hors de la présence des parents, avec l’accord de ceux-ci.
- Même si l’enfant connait déjà l’hôpital ou les soins, l’information et la réassurance ne sont jamais inutiles.
Dans tous les cas, il faut respecter l’enfant ou l’adolescent qui ne veut pas savoir, et ne pas insister. Ce refus de certains enfants est en lui-même une information précieuse. On en trouve les raisons dans ses expériences antérieures. Il n’est jamais trop tard pour revenir sur d’éventuelles expériences malheureuses, en faisant appel, si nécessaire, à un spécialiste (psychologue, psychiatre de liaison…)
Informer la famille
L’essentiel de l’information est transmis aux parents ou au référent de l’enfant. Ceux-ci de leur côté connaissent mieux que les soignants ce qui s’est passé avant le soin ou l’hospitalisation. C’est à eux de retransmettre les informations à l’enfant en utilisant leurs propres mots. Les frères et sœurs, le reste de la famille ne doivent pas être oubliés, tout spécialement si l’enfant est atteint de maladie chronique. Les frères et sœurs peuvent souffrir s’ils sont tenus dans l’ignorance de ce qui se passe à l’hôpital, et cette souffrance retentira sur l’équilibre familial, et donc sur l’enfant malade.
Les copains et l’école
Certains enfants n’osent pas ou ne savent pas comment parler de leur hospitalisation, d’autres encore ont honte de parler de leur problème de santé... Pour éviter les ruptures, il est important d’inciter les enfants à communiquer avec leurs amis, leur école (courrier, visites, webcam…). L’enfant peut évoquer en classe un soin, une hospitalisation prochaine ou passée et la classe peut s’en saisir pour un échange.
Quand informer ?
L’information concernant les soins, les examens ou les opérations sera donnée à l’avance en fonction de l’âge et de l’inquiétude de l’enfant :
- Les tout-petits jusqu’à 3-4 ans maîtrisent mal la notion du temps, il est donc inutile de les prévenir trop tôt, il suffit de les informer quelques jours avant.
- Pour les plus grands, des informations peuvent être données une semaine à l’avance ou plus.
- Dans le cadre d’une opération programmée, l’annonce par le chirurgien et la consultation de pré-anesthésie qui a lieu en général une semaine avant l’intervention sont des moments clés pour informer les familles.
- Le fait de donner des informations va susciter à son tour d’autres interrogations auxquelles il faut pouvoir répondre.
Pour les soins, les examens ou les opérations non programmées, les informations sont données au fur et à mesure du geste lui-même. Dans cette situation, il peut aussi être efficace de distraire l’enfant une fois que les informations essentielles ont été données.
Qui dit quoi ?
Partage entre les soignants et les parents
Selon leurs connaissances et leurs compétences, les parents informent leur enfant. Il est utile de vérifier la justesse des informations transmises pour éventuellement les préciser ou les corriger. Pour être en confiance, les enfants ont besoin de sentir un accord entre les parents et les personnes qui prennent soin de sa santé. Il est donc important d’associer les parents pour éviter des “rivalités inutiles”.
Dans certains cas (annonce d’un diagnostic, d’un soin ou d’un examen), il peut être nécessaire de demander aux parents s’ils souhaitent que les informations soient données à l’enfant par l’équipe ou par eux-mêmes.
Partage entre les soignants eux-mêmes
Devant la masse d’informations à donner, il est préférable de se partager les rôles. Chaque membre de l’équipe participe à l’information des familles et doit le faire selon sa fonction, ses responsabilités, ses compétences, dans un souci de cohérence et de complémentarité. Une réflexion avec l’ensemble des professionnels sur ce partage indispensable peut permettre de :
- Repérer qui est le mieux placé pour donner quelle information et à quel moment.
- S’assurer que, si cette personne n’a pas donné l’information (par manque de temps par exemple), quelqu’un pourra le faire à sa place.
- Réaliser une sorte de “liste type” ou protocole pour vérifier à des moments clés que l’enfant a bien été informé, soit par ses parents soit par les collègues : par exemple, on ne peut pas laisser partir un enfant au bloc opératoire sans qu’il sache pourquoi il va être opéré, et quand et où il retrouvera ses parents.
Auteur
Sandrine Herrenschmidt, illustratrice et graphiste à SPARADRAP
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Dossier créé en septembre 2018