L'accueil de la fratrie en réanimation néonatale

L’idée que la présentation du bébé à la fratrie est une responsabilité qui incombe aux parents, qu’elle serait de l’ordre de l’intimité familiale est répandue… Or, lors d’une naissance prématurée, la famille est rudement mise à l’épreuve car cette naissance, par son caractère inattendu et brutal, est traumatisante pour les parents mais également pour les frères et sœurs.

Dans cette dynamique, c’est toute la famille qui a besoin de l’accompagnement des professionnels pour soutenir :

  • les parents dans la rencontre avec leur bébé prématuré, les aider à rester disponibles pour les aînés,
  • la fratrie dans la rencontre avec leur petit frère ou leur petite sœur.

 

 

La famille à l’épreuve de la prématurité

Impact de la prématurité sur les parents

Dessin d'enfant accueil de la fratrieLors d’une naissance prématurée, les parents basculent brutalement de la plénitude de la grossesse à la rencontre avec le bébé prématuré. A leur arrivée en réanimation néonatale, ils se retrouvent projetés sur une « autre planète », face à un si petit bébé, relié à la vie par des machines. Il y a toujours beaucoup de souffrance et d’angoisse pour les parents à faire face à ce bébé. Ils se trouvent ainsi confrontés à de multiples deuils :

  • le deuil de la grossesse
  • le deuil du bébé idéal
  • le deuil d’une naissance « normale » : amis et famille ne savent pas comment se comporter avec les parents. Faut-il les féliciter? Apporter des cadeaux ? Rendre visite…?

La particularité de ces naissances est qu’elles génèrent du traumatisme, de l’effroi, du déni parfois, de la sidération, de la culpabilité. Bref, autant de conditions qui paralysent la vie psychique et exigent des parents des ressources quasi impensables.

Impact de la prématurité sur la fratrie

L’arrivée d’un cadet est toujours un bouleversement dans la fratrie, qui avait jusque-là un ordre bien établi. Un nouvel équilibre est à trouver et il va falloir partager l’amour des parents. Par conséquent, les aînés éprouvent vis-à-vis du nouveau venu des sentiments ambivalents, empreints de tendresse, d’envie et de jalousie.

Lors d’une naissance prématurée, tous ces sentiments sains et normaux se trouvent exacerbés, et génèrent de l’angoisse et de la culpabilité.

Les aînés peuvent s’inquiéter pour leur maman dont ils se retrouvent brutalement séparés, et pour l’état de santé du bébé.

Mais ce sont les attitudes et réactions de leurs parents qui leur posent le plus de problème : ils ne sont pas comme d’habitude, ils semblent déstabilisés, en souffrance...  Ils sont moins disponibles pour leurs aînés, car le bébé prématuré, du fait de son état, monopolise toute l’attention parentale. La fratrie se retrouve alors en quelque sorte désinvestie et soumise à une rupture affective douloureuse. Les aînés sont en proie à de nombreuses émotions (angoisse, jalousie, agressivité) qui faute d’être reconnues et accompagnées les laisseront dans un profond désarroi.
 

 

Pourquoi proposer un accueil de la fratrie en réanimation néonatale ?

Aider la famille à s'y retrouver

Parents au dessus de la couveuseC’est dans un climat d’insécurité, que parents, frères, sœurs et bébé vont se rencontrer. Cette rencontre ne va pas être aisée et exigera de toute la famille des ressources psychiques importantes à un moment où elle a des difficultés à les mobiliser.

L’accueil de la fratrie est un soutien pour l’ensemble de la famille et les professionnels ont un rôle important pour favoriser cette rencontre, permettre à la famille de se retrouver et de s’y retrouver.

Aider les parents à se recentrer sur les aînés

Les parents, pris dans les émotions de la prématurité et l’hyper investissement qui se crée autour du bébé, ont du mal à percevoir la souffrance de leurs aînés. Souvent démunis face à cette détresse, les parents peuvent la minimiser ou même la nier.

Ils ont tendance à se taire aussi, en pensant protéger les aînés, ou par crainte qu’ils ne comprennent pas.

L’accueil de la fratrie permet donc aux parents de se recentrer sur les aînés : des échanges et une complicité peuvent alors se créer autour du bébé qui devient une source de préoccupation commune.

Favoriser la rencontre du bébé et des aînés

De leur côté, les aînés peuvent ne pas comprendre la situation : le bébé n’est plus dans le ventre de leur maman et pourtant il n’est pas non plus à la maison. Ils ont du mal à réaliser que leur maman a accouché et concrétiser l’existence du bébé.

Favoriser la rencontre des aînés et du bébé peut calmer certaines angoisses. Le chaos qui règne dans le quotidien de la fratrie prend alors sens : les emplois du temps perturbés, les allers retours des parents, leur absence…

Rencontrer le bébé, c’est aussi l’occasion de l’aimer, de lui faire une place au sein de la fratrie. Car, si les figures parentales jouent un rôle majeur dans le développement psychique du bébé, les relations au sein de la fratrie sont également décisives pour la construction d’un individu.

L’accueil de la fratrie permet donc de soutenir le lien fraternel : la future place du bébé prématuré dans sa fratrie sera déterminante pour son bon développement.
 

 

Comment organiser un accueil de la fratrie en réanimation néonatale ?

Un projet d’équipe pluridisciplinaire

L’accompagnement des familles étant pluridisciplinaire, l’accueil de la fratrie concerne donc tous les professionnels : médecins, puéricultrices, infirmières, auxiliaires de puériculture, psychologues…

Chaque professionnel, du fait de sa spécialité, a un rôle particulier à jouer auprès des aînés. Par exemple, la puéricultrice s’occupe des soins du bébé, c’est elle qui peut expliquer à l’enfant à quoi servent les différentes machines… Le médecin peut répondre aux questions concernant l’aspect médical. La psychologue, de par son écoute spécifique, offre aux aînés un espace et un temps de paroles pour qu’ils puissent exprimer leurs ressentis, inquiétudes…

Il est essentiel que la mise en place d’un accueil de la fratrie rencontre l’intérêt et l’adhésion du plus grand nombre au sein de l’équipe. Pour cela, échanger et communiquer tout au long du projet est primordial. Il ne s’agit pas de reproduire à la lettre ce qui se fait ailleurs et de l’appliquer au service mais de s’inspirer d’autres expériences pour créer un projet qui corresponde au service, à ses pratiques, sa dynamique, ses souhaits…

Mettre en place un groupe de travail

Groupe de travailPour commencer, un groupe de travail, en équipe pluridisciplinaire, peut se réunir pour réfléchir à la création de ce projet. Il est important que le chef de service ou le cadre de santé puisse s’y impliquer : ce sera un appui important et indispensable pour sa mise en œuvre.

L’objectif du groupe de travail est de :

  • faire l’état des lieux des pratiques, des satisfactions, difficultés, attentes des familles et des professionnels.
  • remettre en questions les pratiques du service et se construire un référentiel commun.
  • définir un cadre physique et relationnel à cet accueil : ce cadre est très important pour permettre aux équipes et aux familles de s’appuyer sur des repères précis mais suffisamment souples pour être adaptés au cas par cas (en fonction de l’âge de la fratrie, du contexte familial, de la gravité de l’état de santé du bébé…).

Définir un cadre pour l’accueil de la fratrie

Ce cadre doit être à la fois souple et contenant et spécifiera :

  • la périodicité (accueil de la fratrie à quel moment de l’hospitalisation ? Durée de la visite ? Fréquence des visites ?)
  • les accueillants (binôme psychologue-soignant ? psychologue seule ? Dans les situations d’urgence ou en l’absence de la psychologue ?)
  • le choix du type d’accueil (accueil individuel ? Accueil en groupe ?)
  • le lieu où accueillir, le déroulement de la visite, les outils utilisés (dessin ? Jeux ? Poupée accessoirisée ? Photos ?)

Diffuser les résultats de la réflexion du groupe au reste de l’équipe

Il est utile de diffuser très régulièrement les résultats du travail de réflexion auprès du reste de l’équipe afin d’obtenir une plus grande cohésion autour du projet. En discutant lors de moments d’échanges informels, en faisant des comptes rendus accessibles à tous, en organisant des réunions… Il est important de favoriser au maximum les échanges autour de ce projet, de le présenter comme en construction et non comme quelque chose de déjà aboutit qui ne peut plus se discuter.

Création d’outils supplémentaires

Le groupe de travail peut aussi créer ses propres outils : un livret d’accueil destiné à la fratrie, la rédaction d’un conte, la rédaction d’un document pour présenter le déroulement de cet accueil, des conseils pour les parents…

> Voir la rubrique "Réaliser un document d'information pour les enfants"
 

Les difficultés de l’accueil de la fratrie en réanimation néonatale

Pour les professionnels : expliquer le cadre aux familles

L’accueil de la fratrie, étant défini par un certain nombre de règles, les familles (comme l’équipe !) auront à les respecter. Il est important d’avoir un même discours pour présenter l’accueil de la fratrie aux parents. Il s’agit d’obtenir leur adhésion à cet accueil, qu’ils en comprennent le sens et l’utilité, afin que ce ne soit pas vécu comme une contrainte ou un stress supplémentaire. Les mots employés sont donc très importants. Il faudra, par exemple, éviter d’utiliser le terme de « protocole » utile en interne mais potentiellement ressenti comme « rigide » par les familles.

Pour les familles : comprendre les enjeux

Un emère embrasse son enfant né prématuréLes parents peuvent ne pas comprendre l’intérêt de cet accueil pour leurs aînés, se montrer réticents et parfois même le refuser. Dans ce moment où ils se sentent déjà dépossédés de leur bébé, dépendants des soignants pour s’en occuper, ils peuvent vivre cet accueil comme une véritable intrusion dans leur intimité familiale, une disqualification de leurs compétences parentales. Pour certains parents, le fait de devoir prendre rendez-vous, de rencontrer un psychologue, d’être accompagnés lors de la rencontre, est difficile, voire insupportable. Ils pourront donc tenter de transgresser le cadre : en arrivant inopinément dans le service avec la fratrie (et c’est alors toujours très difficile pour l’équipe d’avoir à refuser et différer l’entrée aux frères et sœurs présents), en ne respectant pas le déroulement de la visite…

Bref, autant d’actes traduisant leurs résistances mais surtout leur souffrance de parents dans cette situation. Bien souvent, le fait de se poser avec eux, de ré-expliquer permet d’apaiser les tensions.

Adapter le cadre aux cas particuliers

Parfois, il ne sera pas possible de réaliser l’accueil comme défini. Il faudra alors en discuter en équipe et proposer des aménagements. Par exemple, un aîné qui ne peut venir que le week-end, quand la psychologue n’est pas là. Afin de ne pas le priver de la rencontre avec son cadet, un autre accueil peut être proposé, en présence d’une soignante, qui se rendra disponible et qui pourra ensuite débriefer avec la psychologue.

La disponibilité de l’équipe

La disponibilité des soignants est justement une des difficultés principales : l’accueil de la fratrie exige du temps, parfois beaucoup. Il faut donc que les soignants puissent s’organiser pour pouvoir se dégager des soins et être présents auprès des aînés. Chaque service aura à organiser ce temps en fonction de ses possibilités et de ses ressources : par exemple, organiser l’accueil de la fratrie un jour précis de la semaine, avec toujours les mêmes professionnels…

Pour aller plus loin

SPARADRAP propose une formation en intra pour aider les équipes à mettre en place ou à améliorer l’accueil de la fratrie en réanimation.

 

 


Auteurs

Bettina Presutti, psychologue clinicienne, service de néonatalogie du centre hospitalier de Pontoise  et Myriam Blidi, chargée des projets et de la formation à l'Association SPARADRAP.

Avis

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Dossier créé en Avril 2011 - Mise à jour : septembre 2018

Documents

Guide Le petit frère de Lili est né mais il n'est pas à la maison

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Bibliographie

Articles

Une étude sur la politique d’accueil des parents, fratrie et grands-parents au sein de services de réanimation néonatale dans 8 pays européens
Acta Paediatrica : 2009, vol. 98, no11, p. 1744-1750

Une étude sur les visites de la famille au sein d’un service de réanimation néonatale en Finlande
Acta Paediatrica : 2007, vol. 96, no2, p. 215-220

 

Ouvrage pour les professionnels

La fratrie à l’épreuve du handicap
Ed. érès, 2006

 

Littérature jeunesse

Le premier hiver de Max
Sylvie LOUIS, éditions Enfant Québec, 2008. (3-8 ans)

Ma petite sœur s’appelle Prématurée
Sabine PANET, Pauline PENOT, éditions l’École des Loisirs, 2005. (9-12 ans)