Évaluer l’anxiété des enfants avant une opération

L’induction de l’anesthésie est une des expériences les plus stressantes vécues par l’enfant au cours de la période péri-opératoire. L’abord de l’enfant au bloc opératoire va dépendre de son état émotionnel, il est donc utile de prendre le temps d’évaluer son état d’anxiété. Il existe pour cela des outils simples dont la commodité d’emploi facilite la  communication entre soignants. Le but est d'individualiser la prise en charge de chaque enfant en fonction de son état émotionnel et de sa réaction à l'hospitalisation.

Nous avons choisi de présenter un de ces outils : la version française du score d'anxiété préopératoire "Yale".

 

 

Pourquoi évaluer l’anxiété de l’enfant ?

  • Pour améliorer la prise en charge de l’enfant, favoriser une induction et un réveil serein.
     
  • Pour améliorer le confort et la satisfaction des soignants.
     
  • Pour évaluer ses pratiques professionnelles, envisager et évaluer la pertinence d’un changement de pratique au sein du bloc opératoire et en apprécier les résultats. Les changements envisagés peuvent porter sur des aspects variés : adaptation de la prémédication à l’anxiété de l’enfant (produit, protocole d’administration, délai…), information et préparation de l’enfant et de ses parents, présence des parents à l’induction ou en salle de réveil, présences de bénévoles, utilisation de moyens de distraction…

Dans la même logique que l’évaluation de la douleur de l’enfant, l’intérêt de ces scores réside dans leur systématisation et dans le fait de rendre un peu plus objectif, pour l’ensemble d’une équipe, un état émotionnel.

L’évaluation de l’enfant peut être portée sur le dossier de transmission entre le bloc opératoire et le service et les parents peuvent être informés de la façon dont l’enfant s’est endormi.

Si l’endormissement s’est bien passé les parents seront rassurés ; si l’enfant a manifesté une anxiété importante, les parents pourront être attentifs aux éventuelles manifestations de l’enfant (pleurs, colère, peur des séparations, peur des étrangers, cauchemars...) et vigilants lors d’une nouvelle rencontre avec le monde hospitalier.

 

 

Le score d’anxiété préopératoire “YALE”

Appelé le score YPAS, puis m-YPAS (Yale Preoperative Anxiety Scale) il est utilisable à partir de 5 ans et permet d’évaluer spécifiquement l’état émotionnel de l’enfant lors de l’entrée au bloc opératoire au moment de l’induction anesthésique au masque.

Mode d’emploi

- Ce score est à remplir au bloc opératoire par un observateur indépendant, de préférence à l’insu de l’enfant, à l’entrée de l’enfant au bloc opératoire, à l'installation de l'enfant sur la table d'opération ou au début de l’anesthésie au masque.

- Il comprend 22 items répartis en 5 catégories (activité, comportement verbal, expression, éveil, attitude avec les parents). Dans toutes les catégories on retient l’item correspondant au niveau d’anxiété de l’enfant.

- Le score s’échelonnera de 5 à 20. Si les parents ne sont pas présents, il ne faut pas utiliser l’item E. Le score sera alors compris entre 4 et 17.

- Le seul inconvénient de ce score, vient du fait qu’il est réalisé juste avant l’induction, donc à un moment où la marge de manœuvre pour réagir est faible, mais il est toujours possible de faire du « mieux qu’on peut ! ».

- Par contre si le score est élevé, c’est un instrument prédictif d’agitation en salle de réveil et de troubles post opératoire. On peut donc anticiper ce qui va se passer avec les intéressés (personnel de la salle de réveil, parents). Ce qui est déjà très utile.

 

Le score lui-même

 

A / ACTIVITÉ

  1. Regarde autour de lui, curieux, peut explorer les objets, ou reste calme.
  2. N’explore pas, peut regarder vers le bas, peut remuer nerveusement les mains ou sucer son pouce (son doudou).
  3. Se tortille, bouge sur la table, peut repousser le masque.
  4. Tente activement de s’échapper, repousse avec les pieds et les mains, peut bouger tout le corps.

 

B / VOCALISATIONS

  1. Pose des questions, fait des commentaires, babille.
  2. Répond aux questions des adultes mais à voix basse, “ baby talk ”, ou ne fait que des signes de tête.
  3. Silencieux, aucun son, ne répond pas aux adultes.
  4. Pleurniche, se plaint, gémit.
  5. Pleure, peut crier “ non ”.
  6. Pleure et crie de façon continue (audible continuellement à travers le masque).

 

C / EXPRESSION ÉMOTIONNELLE

  1. Manifestement heureux, souriant.
  2. Neutre, pas d’expression faciale visible.
  3. Inquiet (triste) ou effrayé ; yeux effrayés, tristes, ou pleins de larmes.
  4. En détresse, pleure, totalement bouleversé, peut avoir les yeux écarquillés.

 

D / ÉTAT D’ÉVEIL APPARENT

  1. Alerte, regarde occasionnellement autour de lui, observe ce que l’anesthésiste lui fait.
  2. Renfermé sur lui-même, tranquillement assis, peut sucer son pouce, ou visage tourné vers l’adulte.
  3. Vigilant, regarde rapidement tout autour de lui, peut sursauter aux bruits, yeux grands ouverts, corps tendu.
  4. État de panique, pleurniche, peut pleurer ou repousser les autres, se détourne.

 

E / UTILISATION DES PARENTS

  1. Cherche le parent, demande et accepte le réconfort, peut se blottir contre le parent.
  2. Regarde calmement les parents, observe ce qui se passe, ne cherche pas le contact ou le réconfort, l’accepte s’il est proposé.
  3. Garde le parent à distance ou peut se détourner activement du parent, peut repousser le parent.

> Télécharger et imprimer le score prêt à l’emploi.

 

 

Que faire en cas d’anxiété importante ?

Des scores importants doivent interpeller sur la nécessité d’une préparation ou d’un soutien supplémentaire, d’un accompagnement spécifique de l’enfant et de ses parents. Ce qu’il faut surtout éviter c’est l’induction forcée avec violence physique, qui laisse des traces.

Avant le départ au bloc

  • Anticiper une séparation difficile et adapter  la prémédication.
     
  • Prévoir des moyens de distractions efficaces au moment de la séparation.
     
  • Retarder, décaler le départ au bloc opératoire.
     
  • S’assurer d’une prise en charge sans attente au bloc opératoire (surtout si l’enfant est séparé de ses parents !).
     
  • Permettre aux parents, s’ils sont en situation de soutenir leur enfant, d’être présents à l’induction.

 

Au bloc opératoire

La coopération de l’enfant n’est pas toujours obtenue.

Même à ce stade, et si l’enfant manifeste un sentiment de terreur panique qui se traduit par des hurlements, une agitation extrême ou au contraire, par un repli sur lui-même, figé par la peur et adoptant un comportement passif… il y a des solutions pour minimiser dans une certaine mesure l’épreuve :

  • Obtenir une ambiance aussi sécurisante que possible, limiter les allées et venues et les conversations, baisser les lumières.
     
  • Se mettre au niveau de l’enfant, sans bavette, baisser la voix, ne pas critiquer ni menacer.
     
  • Ne pas faire attendre l’enfant. Celui-ci doit avoir un interlocuteur unique, médecin anesthésiste ou IADE qui le prendra totalement en charge dès son entrée au bloc opératoire, afin d’éviter les contacts multiples et bien intentionnés, mais qui à ce moment débordent ses possibilités relationnelles.
     
  • Si nécessaire interrompre l’induction pour ré-administrer une prémédication optimisée (la voie nasale est plus rapide).
     
  • Savoir perde un peu de temps sans faire aucun geste technique pour savoir si une relation peut s’établir (surtout si la prémédication a été faite un peu tard), profiter de ce délai pour tenter de mettre en confiance, proposer de raconter une histoire, de faire un jeu, essayer de faire choisir l’enfant.
     
  • Dans certains cas ne pas hésiter après une expérience difficile, à proposer aux parents une aide spécialisée : psychologue, séances de relaxation, pour prévenir un cercle vicieux du type phobique.

 

En salle de réveil

•    S’assurer de la présence des parents en salle de réveil au moment du réveil de l’enfant.

 


Auteurs

Didier Cohen-Salmon, ancien anesthésiste pédiatrique

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Publication 2009 – Mis à jour en septembre 2018

Documents

Guide Je vais me faire opérer... Alors on va t'endormir!

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Poster L'anesthésie générale

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Questionnaire Mieux te connaître pour mieux t'endormir

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Liens utiles

Sur le site de SPARADRAP

Mon enfant va être opéré sous anesthésie générale
un dossier de conseils pour informer les parents

Questionnaire d’évaluation de l’anxiété préopératoire de l’enfant prêt à l’emploi (fichier pdf)
Il comprend le score de Yale, mais également des items à compléter dans le service d’hospitalisation, concernant l’anxiété des parents (à l’arrivée dans le service et avant le départ au bloc opératoire) et la façon dont l’enfant a vécu de précédentes séparations. Il peut être modifié, complété et identifié au nom du service.

 

Ailleurs sur Internet

L'anxiété préopératoire
article de Rémi Amouroux sur le site du CNRD
https://www.cnrd.fr/L-anxiete-preoperatoire.html

 

Bibliographie

The Yale Preoperative Anxiety Scale : how does it compare with a « Gold standard » ?
Kain ZN, Mayes LC, Cichetti DV, Bagnall AL, Finley JD, Hofstadter MB, Anesthesia Analgesia, 1997 ; 85 : 783-88.