Maladie grave : que veut-on dire ?
Ce terme peut englober des situations très différentes : accident grave avec pronostic vital engagé ou non, diagnostic d’une maladie chronique plus ou moins évolutive ou handicapante, malformations à la naissance, maladie dégénérative... Ce qui les réunit toutes c’est qu’elles bouleversent la vie de la personne concernée et de sa famille. D’où l’importance de mettre des mots sur cette situation nouvelle.
Pourquoi parler de la maladie grave d’un proche à son enfant ?
Face à la maladie grave d’un proche, que faut-il dire aux enfants, quelle est la bonne attitude : se taire ou dire ce qu’il se passe ?
En tant qu’adultes, nous pensons quelquefois que ne rien dire aux enfants est une façon de les protéger d’une situation difficile ou qu’ils ne peuvent pas comprendre. On peut aussi être soi-même tellement submergé par ses émotions que cela peut paraitre insurmontable.
Pourtant, il est toujours important d’en parler car les enfants sont des “éponges à émotions”. Ils ressentent, entendent et voient des adultes qui chuchotent ou stoppent leur discussion, des yeux rougis, des émotions dans la voix, des situations inhabituelles… Ils peuvent alors imaginer toutes sortes de choses (parfois plus graves que la réalité) et ressentir de la peur et de l’angoisse face à ce non-dit.
On peut rassurer les enfants sur le fait que parler de la maladie grave ou d’un possible décès ne va pas aggraver la situation ou la provoquer. Enfin, un enfant pourrait se sentir trahi s’il devait apprendre cette mauvaise nouvelle par d’autre biais que le vôtre. Lui parler honnêtement est aussi une façon de préserver la confiance qu’il vous accorde à court et à plus long terme.
Bien sûr, en fonction de l’âge des enfants, de leur envie de savoir, de ce que l’on sait soi-même, il s’agira de “doser” les informations données, l’essentiel étant de mettre des mots sur la situation.
Comment en parler selon l’âge ?
En fonction de l’âge de l’enfant, de sa maturité, de son expérience éventuelle de la maladie, les choses ne seront pas dites avec les mêmes mots. Mais, dans tous les cas, il est primordial d’être honnête et sincère.
Les bébés jusqu’à 2 ans
Même s’ils ne peuvent pas encore comprendre ce qu’est une maladie, ils ressentent très fortement les émotions de leurs parents. Prendre un bébé dans ses bras, en lui parlant avec des mots simples et un ton de voix doux et rassurant peut beaucoup l’apaiser.
« Papy est très malade, c’est pour ça que je suis triste… »
Entre 3 et 6 ans
Les enfants peuvent comprendre ce qu’est une maladie même s’ils peuvent avoir du mal à appréhender la gravité et les conséquences… A cet âge, ce qui va importer le plus, c’est tout ce qui change ou va changer dans leur quotidien. Que ce soit dans les émotions inhabituelles qu’ils observent chez les adultes, dans les changements de rythme de leurs journées, des éventuelles séparations avec les parents (par exemple, s’ils doivent être confiés à de la famille ou à l’entourage…).
« Je vais être très occupée pour aider Papa à aller à ses rendez-vous avec les médecins, Tata a proposé que tu viennes quelques jours chez elle… »
Entre 7 et 12 ans
A ces âges, les enfants ont beaucoup plus de compréhension de la maladie, ils peuvent être plus curieux, poser plus de questions. Même si celles-ci, parfois très directes, peuvent déstabiliser, il est important de leur répondre, quitte à dire qu’on ne sait pas.
« Est-ce que mon copain va mourir ? »
« Je ne sais pas mais les médecins s’occupent très bien de lui et on espère qu’il va guérir. »
A partir de 13 ans
Les adolescents ont souvent compris la situation bien avant qu’on leur dise, c’est pourquoi il ne faut pas tarder à leur en parler car ils risquent d’être blessés et se sentir exclus. Néanmoins, même si leur capacité de compréhension est importante, il faut être attentif. En effet, quelquefois, ils peuvent “faire semblant” de comprendre pour montrer leur maturité mais ils restent des enfants ! Ils peuvent aussi avoir une forme de pudeur à exprimer leur tristesse et préférer la colère par exemple…
« Ah oui, je connais, la grand-mère de Léo avait ça aussi. »
« Je vois, mais ce n’est pas la même maladie. Je vais t’expliquer… »
Choisir qui va annoncer la maladie et se préparer
La personne qui va parler de la maladie à l’enfant doit s’en sentir capable. Si vous pensez ne pas l’être, vous pouvez demander à un autre adulte, de préférence proche de votre enfant, de s’en charger. Ce peut être votre conjoint(e), un grand-parent, un ami de la famille, voire un professionnel qui trouvera les mots adaptés et justes. Il faudra alors que la personne explique pourquoi c’est elle qui parle à l’enfant. « Ta Maman est triste et elle a peur de ne pas trouver les bons mots. »
C’est important pour la personne en charge de l’annonce de la maladie de se préparer, de savoir à l’avance quels mots elle va utiliser. Il est primordial d’utiliser des termes qui permettront à l’enfant de comprendre la réalité de la situation, de la maladie, en la nommant. Si c’est un cancer, par exemple, il est conseillé de le dire.
L’enfant va sûrement poser des questions, c’est donc important de se préparer et de réfléchir à celles-ci en amont et aux réponses à y apporter.
Bon à savoir : Les services qui accueillent votre proche malade (en réanimation, en cancérologie, en néonatalogie…) ont le plus souvent des psychologues au sein de leur équipe. Ces professionnels peuvent être d’une grande aide pour vous guider et vous accompagner pour trouver les mots ou même parler avec votre enfant.
Le moment et le lieu de l’annonce
Quel moment de la journée ?
Choisissez un moment où vous n’êtes pas pressé par le temps et où vous serez présent auprès de votre enfant après l’annonce. Ainsi, il est conseillé d’éviter le moment du départ à l’école ou celui juste avant la sieste ou le coucher, pour que l’enfant ne se retrouve pas seul ensuite.
S’il y a plusieurs enfants dans la famille, les réunir tous ensemble pour leur annoncer la nouvelle est possible. L’avantage est qu’ils auront tous l’information au même moment. C’est aussi mettre les enfants sur un pied d’égalité, et ainsi ne pas créer de disparité au sein de la fratrie. Il est conseillé, alors, d’adapter ses propos en prenant en compte l’ensemble des enfant présents.
Ensuite, il est important de prendre un temps avec chacun pour pouvoir répondre à leurs questions, en s’adaptant à chaque enfant.
Quel lieu ?
Idéalement, il est mieux de choisir un endroit où l’enfant peut, une fois l’annonce faite, se retrouver dans un lieu où il se sent bien, un lieu “cocon”, “refuge”, comme sa chambre par exemple. Ensuite et en fonction de ses demandes, les échanges pourront se poursuivre, par exemple lors du repas avec tous les membres de la famille.
Et après ?
Au-delà de l’annonce, la maladie grave d’un proche est souvent le début d’un long parcours (ponctué de nombreux examens, traitements, séjour à l’hôpital et retours à la maison, moments d’espoirs et de découragements…). Il est important de continuer à parler à votre enfant et de l’écouter tout au long de ces étapes. Comme pour l’annonce, vous pouvez trouver de l’aide autour de vous pour le faire et, si besoin, faire appel à un professionnel.
Pour aider votre enfant à mettre des mots sur ses soucis, le guide "J'ai des soucis dans la tête... On peut en parler ensemble !" est feuilletable en ligne et aussi disponible en version papier dans notre boutique
Lire avec lui ce guide peut être un moyen de lancer la discussion, de repérer ou de comprendre ce qui l'inquiète.
Quelques pistes de réponses à vos questions
Faut-il donner le nom de la maladie ?
Oui, c’est mieux car c’est un nom que l’enfant entendra par la suite. Mais, au-delà du nom, c’est la gravité qu’il faut expliquer. En effet, et surtout chez les jeunes enfants, le terme “maladie” renvoie à des affections bénignes comme le rhume, l’angine, la gastro…
Faut-il tout dire, tout de suite ?
Cela dépend évidemment de la gravité du pronostic, mais, a priori, non. Pour évaluer et doser au mieux l’information à donner à l’enfant, on peut commencer par une information assez générale sur la situation et le questionner pour savoir ce qui l’interroge et le préoccupe. Les enfants, comme les adultes, ont besoin de temps pour absorber l’information et, petit à petit, les émotions et les questionnements évoluent.
Au moment de l’annonce, il est parfois possible de “temporiser” momentanément la gravité d’une situation pour limiter le choc « La maladie est grave mais les médecins espèrent une amélioration, attendons de voir l’efficacité du traitement… »
Dans tous les cas, rassurez votre enfant sur le fait que vous le tiendrez régulièrement au courant de l’évolution de la situation et que vous êtes toujours disponible pour répondre à ses questions ou partager ses sentiments.
Que faire si je ne sais pas répondre aux questions de mon enfant ?
Si votre enfant vous pose une question et que vous n’avez pas la réponse, cela ne sert à rien d’inventer ou d’éluder. Dites-lui simplement que vous ne savez pas mais que, si cela est possible, vous chercherez la réponse pour pouvoir lui répondre plus tard.
Mon enfant semble n’avoir aucune réaction
C’est une réaction assez courante qui traduit souvent un besoin de se protéger de quelque chose que l’enfant ne comprend pas ou qui est trop difficile à assimiler à ce moment-là. Tout en respectant son rythme, vous pourrez l’aider, plus tard, à s’exprimer en lui parlant de vous, de vos émotions ; en lui proposant de faire un dessin s’il en a envie, en lui posant des questions sur ce qu’il ressent…
Se servir d’un livre peut aussi être une aide pour vous ou votre enfant. En librairie ou à la bibliothèque, demandez des conseils en fonction de son âge. Prenez le temps de lire le livre une première fois seul. En prendre connaissance avant votre enfant vous aidera à anticiper d’éventuelles questions et les réponses ou reformulations que vous pourriez lui proposer.
Enfin, jouer avec des poupées ou des figurines est aussi un moyen très efficace pour l’enfant d’exprimer ses émotions et pour vous de repérer des pistes de dialogue.
Mon enfant pense que c’est de sa faute
C’est important que l’enfant comprenne qu’il n’est pas responsable de la maladie de son proche. C’est encore plus vrai pour les jeunes avant 6 ans, car ils pensent qu’ils ont le pouvoir d’agir sur les choses, les situations (par exemple si la maladie touche un petit frère ou sœur nouveau-né dont l’enfant ne souhaitait pas la naissance). Vous pouvez l’aider à nommer cette culpabilité et le rassurer sur le fait qu’il n’y est pour rien.
Mon enfant ne veut pas venir visiter la personne malade
Il est possible qu’il refuse de rendre visite à la personne malade. Il faut respecter ce choix, mais ne surtout pas le considérer comme définitif. C’est important d’essayer de comprendre ce qui fait peur à l’enfant, quelles sont ses craintes. Continuez à proposer régulièrement à votre enfant de vous accompagner pour la visite. Vous pouvez aussi suggérer à votre enfant de faire un dessin ou de vous aider à trouver un cadeau que vous apporterez à votre proche de sa part. Ceci permet à l’enfant, même sans visite, de garder un lien avec la personne malade.
Le comportement de mon enfant a changé : il dort mal, mange peu, ne supporte plus les séparations, semble en colère, triste…
Souvent, les enfants ont du mal à mettre des mots sur leurs émotions et les expriment à travers leurs comportements : colère, anxiété, régression, isolement, peur de l’abandon… Si ces réactions sont normales car l’enfant réagit à une situation stressante, elles sont en général transitoires et peuvent s’apaiser grâce à une attitude compréhensive et bienveillante. Mais si elles perdurent ou s’aggravent, n’hésitez pas à chercher de l’aide auprès de votre entourage ou de professionnels.
Est-ce que je dois informer la crèche, l’école de la situation ?
Oui, il est important d’informer la structure qui accueille votre enfant au quotidien (crèche, nounou, école, collège…) de ce qu’il vit, pour l’aider à traverser cette période difficile. En effet, l’équipe éducative comprendra alors mieux la raison des éventuels changements de comportement de votre enfant (sommeil perturbé, baisse de ses résultats scolaires…) et pourra adapter son attitude envers lui.
Auteur
Myriam Blidi et Juliette Roussel, association SPARADRAP
Avec la participation de Françoise Galland, co-fondatrice de l'association et Sophie Gidrol, palliatothérapeute
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Dossier créé en décembre 2022