2è prix ex aequo - CHU Martinique, service réanimation et soins intensifs

Extrait d'un livret de vieLe service de néonatalogie du CHU de Martinique a vocation à recevoir des enfants de toute la Caraïbe (Guadeloupe, Dominique, Saint Martin, Sainte Lucie, Barbade...). En effet, l'isolement géographique et la limitation de l'offre de soins des îles voisines les obligent à s'orienter au CHU mais les parents n’ont pas toujours les moyens de venir et de rester auprès de leur bébé. L'équipe accueille alors des bébés qui parfois resteront seuls, plusieurs semaines, voire plusieurs mois selon leur état de santé. Consciente des conséquences liées à cette séparation, l'équipe a créé un livret de vie pour ces enfants, leurs parents et leurs familles.

 

 

Fiche signalétique

Etablissement

CHU DE MARTINIQUE - Maison de la Femme, la Mère et l'Enfant
Réanimation et soins intensifs néonataux et pédiatriques
CS 90632
97261 Fort de France Cedex

Personnes contact

Vanessa LIBER, puéricultrice
Stella TULLE, puéricultrice

 

 

Origine du projet

Description du service

Établissement de santé de niveau 3, au sein d'un service référent régional antillo-guyanais et caraïbéen en réanimation pédiatrique et néonatale. Le service dispose de 3 lits de réanimation pédiatrique, 8 lits de soins continus pédiatriques, 7 lits de réanimation néonatale, 9 lits de soins intensifs néonataux, 12 lits de néonatologie dont 5 en unité kangourou.                                                                                
L'équipe assure des prises en charge post-opératoires (chirurgie viscérale malformative et générale, chirurgie orthopédique, chirurgie cardiologie interventionnelle, neurochirurgie, brulés) ainsi que des pathologies médicales habituelles et spécifiquement locales : drépanocytose (centre intégré) et maladies tropicales (dengue, zika...).

Constat

Ce service a vocation à recevoir des enfants de toute la Caraïbe (Guadeloupe, Dominique, Saint-Martin, Sainte-Lucie, Barbade...). En effet, l'isolement géographique et la limitation de l'offre de soins des îles voisines les obligent à s'orienter vers le CHU. Lorsque le transfert d'un enfant originaire des îles voisines ou de la Guyane sur un des secteurs de soins s'avère nécessaire, il arrive que le nouveau-né ou l'enfant ne soit pas accompagné d'au moins un de ses parents ou représentant familial. D'autant que le CHU ne dispose pas de maison des parents. Les possibilités pour les accueillir restent donc extrêmement limitées (fauteuil d'appoint en chambre).

L'éloignement géographique génère un coût et une organisation complexe à mettre en place pour les familles qui doivent gérer voyage en avion ou en bateau, hébergement, frais annexes et garde des autres enfants. En Guyane, certains lieux de résidence ne sont accessibles qu'en pirogue, en avion ou en hélicoptère pour les urgences sanitaires. Le téléphone et l'internet ne sont accessibles que par l'intermédiaire d'un professionnel de santé dans un centre de soins parfois très éloigné du lieu de vie. Il arrive aussi que certains parents, du fait de leur situation irrégulière sur le territoire français ne peuvent pas venir en Martinique à cause d'un passage obligé aux frontières.

A côté de ces situations médicales et chirurgicales, l'équipe rencontre aussi des situations "sociales" où sont accueillis des bébés nés sous le secret en attente d'adoption ainsi que des nouveaux-nés en attente de placement familial, pour lesquels cette hospitalisation s'inscrira dans leur histoire.
L'équipe accueille alors un enfant qui parfois restera seul, plusieurs semaines, voire plusieurs mois selon son état de santé.

Ces situations, qui il y a plusieurs années n'étaient qu'occasionnelles, deviennent très régulières aujourd'hui du fait de la reconnaissance du service comme secteur de soins référent antillo-guyanais.

 

Extrait d'un livret de vie

 

 

 

Descriptif du dispositif

Objectif

Consciente des conséquences liées à cette séparation (difficultés de compréhension possible de la maladie et de la prise en charge par manque de communication et d'interlocuteurs, besoin légitime des parents de savoir ce qui a pu se passer tout au long de l'hospitalisation), l'équipe a mené une réflexion liée à l'absence, aux émotions à partager, à ces histoires de vie dans un soucis de bienveillance et de bientraitance à l'égard de ces enfants.

La réflexion porte ses fruits et un livret est créé pour chaque bébé accueilli dans le service. La création de ce livret a comme objectifs de :

  • Retracer l'histoire d'un temps de vie : il présente un grand intérêt pour les parents adoptant les enfants nés sous le secret.
  • D'être une aide pour favoriser un lien entre les parents absents et leur bébé hospitalisé. La séparation physique de l'enfant peut être synonyme d'impossibilité de rentrer en contact avec lui. Ce livret permet un contact visuel entre les parents et leur bébé.
  • De déculpabiliser les parents en leur donnant les moyens de s'approprier l'histoire de leur enfant. Parfois une première rencontre mère / bébé a lieu après l'accouchement quand l'état de santé de l'enfant le permet. Cette rencontre est importante mais souvent rapide, furtive et toujours frustrante. Les mères ont un sentiment d'irréalité, de culpabilité. Elles se sentent dépossédées de leur enfant, tristes et dévalorisées dans leurs capacités à être mère.
  • D'être une aide pour l'accueil de ces enfants lors du retour à domicile.

En conclusion, au travers des informations qui seront données dans le livret, le parent apprendra à "découvrir" son enfant.

Etapes de la mise en place

C'est en 2009, à l'issue du travail de fin d'étude d'une puéricultrice, qu'est proposée la création d'un livret de vie pour ces enfants, leurs parents et leurs familles. Un groupe de travail est alors constitué afin de concrétiser ce projet.

Sa réalisation et sa mise en service voit le jour en fin 2011. Il a pour objectifs l'accompagnement de l'enfant tout au long de son hospitalisation ainsi que l'implication et la valorisation des parents a posteriori.

Depuis cette date, chaque transfert en provenance d'un département ou territoire de la région Caraïbe donne lieu à la création d'un livret personnalisé avec l'accord des parents.

Chaque membre de l'équipe (infirmier(e), puéricultrice(eur), auxiliaire de puériculture, stagiaires, médecins et internes) y inscrit ses annotations en fonction de sa prise en charge à l'égard du petit patient. Il est ensuite illustré avec des photos, des dessins, des gommettes.

Si le livret est prêt lors du transfert ou de la sortie de l'enfant, il est joint dans son dossier, sinon il sera envoyé par courrier ou remis à la référente de l'enfant dans la structure d'accueil.

Transmission de l'information aux parents

La proposition est faite aux parents soit directement au téléphone, soit via un professionnel de santé qui sert d'intermédiaire. La réponse est tracée dans le dossier de soins et le livret y est associé.

Un livret est mis en place dans le dossier de l'enfant dès son 1er jour d'hospitalisation par l'infirmière qui le reçoit et les puéricultrices référentes en sont informées. En amont, une autorisation préalable de prises de vue est recueillie au niveau des parents.
Pour une accessibilité au soin pour tous, lorsqu'il s'agit d'un parent anglophone, hispanophone ou bouchi tango (patois guyannais), une aide en traduction est mise en place.

Chaque personne qui prendra en charge ce petit patient viendra (en plus des nouvelles données quotidiennement par téléphone) faire un résumé écrit du déroulement de la journée de l'enfant et des événements marquants. Des photos de l'enfant, de son environnement sont prises tout au long de son hospitalisation. Elles seront développées et viendront égayer et donner vie au livret.
Tous les acteurs (médecins, infirmières, auxiliaires de puériculture, kiné...) qui interviendront dans la prise en charge de ce nouveau-né sont donc chargés d'écrire un petit mot, une anecdote.... dans ce livret.

 

Extrait d'un livret de vie

 

Bénéfices pour les bébés

Depuis 2011, 64 livrets de vie ont été réalisés.

En 2018, 15 livrets ont été confectionnés : 9 pour des bébés de Guyane, 1 pour un bébé de Guadeloupe, 4 pour des nouveaux-nés en attente de placement et 1 bébé né sous le secret.

De façon générale, en bénéficient :

  • tous les nouveau-nés et enfants du bassin caribéen (Guadeloupe, Dominique, Sainte Lucie, Saint Martin, Barbade...) et guyanais, transférés dans le service de réanimation néonatale du CHU de Martinique et non accompagnés de leurs parents ou membre de la famille,
  • tous les nourrissons hospitalisés en attente de placement en pouponnière, nés sous le secret et/ou en attente d'être placés.

Satisfaction des parents

L'efficacité de l'action est a posteriori et sur le ressenti des parents. Ils font part de leurs émotions et commentaires à la découverte et à la lecture du document sous forme : d'appels téléphoniques, messages via WhatsApp.

Depuis 2011, ce livret fait partie de la prise en charge globale pour ces petits patients afin de maintenir un lien parent-enfant et est inscrit depuis plusieurs années dans notre projet de service.